Benoît Jean »

BENOÎT JEAN

LE FERMIER ATTENTIF

Une entrevue de Derrick Scott
Images © Miguel Lalonde Photography

Derrick : Benoît Jean, parlez nous de toi.
Benoît : Je suis né à Lorraine en banlieue de Montréal. C’est une petite ville très tranquille. J’y ai demeuré jusqu’à l’âge de 17 ans. J’en garde un très bon souvenir.

Derrick : Quel genre de garçon étais-tu ?
Benoît : En fait, j’étais un garçon tranquille. J’étais très observateur. Souvent, je m’assoyais pendant des heures et je m’amusais avec mes petites voitures. J’étudiais leur structure et leur mécanisme. Pour m’amuser, mon père me donnait de vieux appareils électroniques que je démontais et reconstruisais.

Derrick : Quel était le travail de tes parents ?
Benoît : Mon père était plombier et il est ensuite devenu mécanicien de machines fixes. J’ai eu la chance d’avoir ma mère à la maison jusqu’à l’âge de neuf ans. Par la suite, elle est retournée sur le marché du travail.

Derrick : Peux-tu décrire un moment qui a changé le cours de ta vie ?
Benoît: Tout jeune, j’ai suivi un cours de natation au collège près de chez moi. C’était en novembre et lorsque je suis sorti après mon cours, une parade avait lieu pour le jour du Souvenir. J’étais vraiment impressionné de voir tous ces gens en uniforme. Mon père m’a dit : « Ces jeunes-là sont des cadets. Ils sont un peu plus vieux que toi. Les Forces armées canadiennes les parrainent et un jour peut-être, ils deviendront soldats. » J’étais très intrigué. Ça m’a incité à me joindre aux cadets de l’Air. J’avais 12 ans et j’ai continué l’entraînement pendant cinq ans. Par la suite, j’ai étudié un an à l’Institut culinaire de Montréal pour devenir chef sommelier. À ce moment-là, je me suis rendu compte que je m’ennuyais de l’aviation et des Forces armées. Je me suis donc joint aux rangs des Forces armées à l’âge de 18 ans.

Derrick : Qu’est-ce que tu aimes des Forces armées ? Qu’est-ce qui t’a incité à t’enrôler ?
Benoît: J’étais attiré par l’accessibilité à l’éducation et par le fait de pouvoir bénéficier d’un entraînement solide ainsi que l’obtention d’un bon salaire. J’avais aussi la possibilité de réaliser un rêve d’enfance, celui d’être pilote d’avion. Malheureusement, je portais des lunettes ce qui m’a empêché d’atteindre ce but de façon directe. Mon père m’avait offert ce conseil : « Écoute, si tu aimes les avions, entoure-toi d’avions. Peut-être que tu peux en faire l’entretien ? Entre par la porte arrière et vois ce que tu peux faire. » Quand je veux quelque chose, je le veux rapidement. La façon la plus rapide d’être entouré d’avions était de signer un contrat d’engagement de service auprès des Forces armées. Trois mois plus tard, j’étais une nouvelle recrue à la Garnison Saint-Jean située à Saint-Jean-sur-Richelieu au Québec.

Derrick : Quelle était ton occupation ?
Benoît : Au départ, j’ai étudié en mécanique du vol pendant deux ans à Borden en Ontario. Ma première affectation a été à Bagotville au Saguenay. En tant que mécanicien, je réparais et effectuais l’entretien d’avions de chasse F18, d’avions-cargos, de Snowbirds et d’hélicoptères. Au fil des ans, j’ai déménagé plusieurs fois et j’ai fait partie d’innombrables missions à l’étranger. En 2009, j’ai franchi une nouvelle étape dans ma carrière. Je suis devenu ingénieur de vol – mécanicien de bord. Mon travail était de faire voler les avions et d’assurer le bon fonctionnement de leurs systèmes pendant le vol. Ce nouveau rôle m’a amené à demeurer quatre ans à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest.

Derrick : Qu’est-ce qui a motivé ton choix de quitter les Forces armées ?
Benoît : J’ai adoré ma carrière dans les Forces armées; je n’en ai que de bons souvenirs. Malheureusement, deux défis se sont présentés lorsque ma conjointe et moi avons décidé de fonder une famille. Le premier était d’être présent à la maison. Je partais environ 180 jours par année sur des vols à l’extérieur de la région. Le deuxième défi était la stabilité. Lorsqu’on est mécanicien de bord au sein des Forces armées, les affectations nous obligent à déménager tous les trois ou quatre ans. Ce n’est pas l’idéal pour créer des liens et avoir une vie familiale. Je me suis rendu compte que c’était le temps de passer à autre chose. Le rêve de vivre à la campagne a commencé à germer. J’ai pensé acheter une propriété avec un peu de terrain pour pouvoir couper du bois et avoir des animaux. Ce rêve ne pouvait se réaliser sans quitter les Forces et j’ai pris cette décision en 2013.

Derrick : Comment s’est déroulée cette transition ?
Benoît: Nous avions une date butoir avant laquelle nous devions déménager. Au cours de l’été 2013, nous avons fait un dernier vol de Yellowknife à Trenton en Ontario. Nous nous y sommes installés et je me suis préparé à quitter les Forces. Nous avions décidé que notre avenir se déroulerait dans la région d’Ottawa. C’était un endroit stratégique pour nous. La famille de ma conjointe demeure à Orléans et la mienne à Montréal. Nous désirions demeurer en Ontario et aimons la communauté franco-ontarienne; la grande région d’Ottawa était donc le meilleur choix.

Derrick: À quel endroit as-tu fait tes débuts en agriculture ?
Benoît: Au départ, nous nous sommes établis à Rockland, près du ranch Double D (maintenant le Centre équestre Riverview), juste en haut de la côte. Nous avons fait nos débuts en agriculture sans nous hâter, en effectuant beaucoup de recherche et de lecture. Notre propriété comprenait un acre et demi de terrain. C’était l’espace parfait pour expérimenter avec le jardinage et l’élevage de poules; par contre, le terrain n’était pas clôturé. Nos poules se promenaient librement sur le terrain des propriétés voisines. Étonnamment, les poules ont piqué la curiosité de nos voisins. Ceux-ci nous bombardaient de questions relatives à l’élevage. Cela nous a confirmé que les gens voulaient en apprendre davantage au sujet de l’agriculture.

Derrick : Tu n’es pas fils de fermier. Comment expliques-tu ton intérêt et ta motivation pour l’agriculture ?
Benoît : Il y a plusieurs aspects intéressants en agriculture. Ma conjointe et moi adorons les animaux, mais de façon différente. Elle aime l’aspect maternel, tel que prendre soin des chiots, des poussins et des porcelets. De mon côté, c’est l’aspect génétique qui m’anime. J’aime ce que l’animal peut faire… comme par exemple le travail du cheval de trait. Je suis fasciné par l’animal qui rumine, les poules et les cochons qui travaillent la terre en retournant le sol. En plus de la viande et des œufs, je m’intéresse à ce que l’animal peut prodiguer au fermier. Le fait que nous ayons débuté sans aucune connaissance était une source de motivation pour moi. En fait, on n’était même pas capable de faire pousser du persil ! On ne savait rien et on a vraiment appris de façon informelle : YouTube, quelques livres et le bouche-à-oreille. Les essais au jardin nous ont fourni le meilleur des apprentissages. Nous avons commis plusieurs erreurs ! N’ayant aucune idée préconçue, nous utilisions souvent des méthodes d’observation pour trouver des solutions originales. Par exemple, nos poules se gavaient de grain, mais ne picoraient pas dans l’herbe. Nous avons fait des essais en changeant le nombre de poules par cage. Eurêka ! Elles ont arrêté de se gaver et ont commencé à chercher leur nourriture de façon naturelle.

Derrick : Lorsque le temps de faire le saut est arrivé, comment ça s’est passé ?
Benoît : Nos essais à Rockland nous ont amenés à chercher une ferme. Nous avions beaucoup de critères : elle devait être abordable, rentable rapidement, bien située et assez spacieuse pour pouvoir prendre de l’expansion. Il fallait qu’on puisse y vivre confortablement. La recherche a pris près d’un an. Nous avons trouvé ce que nous cherchions à Bourget, près de Hammond. C’était un départ ! Nous avons déménagé la famille et les poules sur le chemin Saint-Félix, à l’orée de la forêt Larose. On a déménagé nos poules et leur poulailler mobile. Notre motivation nous a poussés à augmenter notre production.

« Notre but est de devenir le fermier des gens de la région. »

Derrick : Qu’est-ce que Hidden Trails offre au consommateur ?
Benoît : Nous offrons des produits locaux directement de la ferme. Nous invitons les familles à venir nous visiter pour apprendre et surtout comprendre comment nous traitons les animaux et comment nous les élevons. C’est un contact direct avec le produit de la ferme que vous consommez. Notre but est de devenir le fermier des gens de la région. Nous conseillons gratuitement notre clientèle sur l’art de jardiner ou d’élever des poules. Nous sommes différents, car nous partageons avec la communauté les bienfaits de l’agriculture. En plus des visites à la ferme, notre site web permet de faire l’achat de nos produits en ligne. Nous offrons un service de livraison à prix concurrentiel. C’est donc facile d’avoir des produits saisonniers frais et locaux livrés directement à la maison.

Derrick : Quel type d’agriculture faites-vous ?
Benoît : Nos pratiques vont au-delà de la méthode de production biologique. Nos produits poussent durant leur saison respective. C’est un système de production similaire à ce que nos grands-parents ont connu. Nous n’avons pas d’aquaculture et n’utilisons aucun fertilisant. En été, les poules et cochons se nourrissent de pousses sur notre terrain.

Nos produits sont biologiques, mais non certifiés. Pour en savoir davantage, j’invite vos lecteurs à venir nous visiter !

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BENOÎT JEAN

THE WATCHFUL FARMER

An interview by Derrick Scott
Images © Miguel Lalonde Photography

Derrick: Benoît Jean, tell us about yourself.
Benoît: I was born in Lorraine, on the outskirts of Montréal. It’s a tiny quiet town. I lived there until I was 17, and still remember it very fondly.

Derrick: What were you like as a kid?
Benoît: I was actually pretty quiet. I was always observing. I would sit for hours with my toy cars. I was fascinated with how they were built and how they worked. My father would give me old electronic appliances, and I would take them apart and rebuild them. That was my idea of fun.

Derrick: What did your parents do?
Benoît: My dad was a plumber, and then became a power engineer. I was lucky enough to have my mom at home until the age of nine, at which point she returned to the workforce.

Derrick: Tell me about a moment that changed your life.
Benoît: When I was very young, I took swimming lessons at a nearby pool. It was November, and after class one day, just as I was leaving, a Remembrance Day parade passed by. I was really impressed by all the people in uniform. My dad said: “Those are air cadets. They’re a little older than you. The Canadian Armed Forces sponsor them, and some day, they might become soldiers.” I was intrigued. I decided to join the air cadets, and I signed up at age 12. I stayed with them for five years. Afterwards, I studied for a year at the Institut culinaire de Montréal to become a head sommelier. At that point, I realized that I missed aviation and the Armed Forces, so at 18, I signed up.

Derrick: What did you like about the Armed Forces? What made you want to join?
Benoît: I would say that the accessibility to education and the reputation of the training appealed to me. It also was a way to make a childhood dream come true: to become a pilot. Unfortunately, I need glasses, so I could not, at least not directly. My father suggested that since I loved planes, I should work with them. “If you learn airplane maintenance, you can get in through the back door and then see where that leads.” When I want something, I go straight for it. So I signed a service commitment contract with the Armed Forces. Three months later, I was a new recruit at the St-Jean-sur-Richelieu garrison in Quebec.

Derrick: What did you do then?
Benoît: First, I studied flight mechanics at Borden, Ontario. My first assignment was in Bagotville, in the Saguenay. As a mechanic, I repaired and maintained CF- 18s, cargo planes, snowbirds and helicopters. I moved frequently over the years, and did countless missions abroad. In 2009, my career took a new direction. I became a flight engineer. My job was to fly and ensure that the flight systems were all working properly. That job took me to Yellowknife, in the Northwest Territories for four years.

Derrick: What prompted you to leave the Armed Forces?
Benoît: I loved being in the Forces. I have lots of good memories of my time there. Unfortunately, I came up against two challenges due to the fact that my wife and I wanted to start a family. The first challenge was that I needed to be home more. On average, I was away half the year. The second was stability. When you’re a flight engineer in the military, you have to move every three or four years. That’s not ideal if you want to have a family life. I realized that it was time to move on. I started to dream about living in the country. I thought about buying land where I could cut wood and raise animals. That couldn’t happen without leaving the Armed Forces. So I took the plunge, and left in 2013!

Derrick: How did that transition work out?
Benoît: We set our moving date. In the summer of 2013, we flew from Yellowknife to Trenton, Ontario for the last time. We found a temporary place, and I went through the drill to retire. We decided that we would settle in the Ottawa area, a central location for us, with my wife’s family living in Orleans and mine in Montréal. We wanted to stay in Ontario, and we wanted to be part of the Franco-Ontarian community, so the greater Ottawa area was the best choice for us.

Derrick: How did you start into farming?
Benoît: We started in Rockland, just up the hill from the Double D ranch. We eased into it, doing a lot of research and reading. We had 1.5 acres of land. It was the perfect place to experiment with a garden and chickens. The property was not fenced in, so our chickens would roam freely on the neighbours’ properties. Oddly, our neighbours responded with curiosity. They bombarded us with questions about raising chickens. That confirmed our belief that people want to know more about farming.

Derrick: You don’t come from a farming family. To what do you attribute your interest in farming?
Benoît: There are several interesting aspects to farming. My wife and I love animals, but in different ways. She likes the mothering aspect, tending to puppies, chicks and piglets. I’m fascinated by the genetics. I like to focus on what animals can do, for instance draught horses. I’m fascinated by grazers, chickens and pigs that work the soil by pecking and scratching at it. Other than meat and eggs, I’m interested in what animals can give a farmer. Starting out as we did, without any knowledge, from a clean slate, is something that I find appealing. Believe it or not, we couldn’t even grow parsley! We knew nothing, and we learned everything informally: YouTube, a few books and word of mouth. Trial and error provided our best gardening lessons. We made a lot of mistakes! With no preconceived ideas, we often relied on observation to find original solutions. For example, our chickens were gorging on grain, but didn’t peck at the grass. We experimented with different numbers of chickens in a cage. Eureka! They stopped gorging and started foraging naturally.

Derrick: When did you know that the time had come to make the leap?
Benoît: Based on what we learned in Rockland, we decided to buy a farm. We had a long list of criteria: affordable, quickly profitable, well located, and room to grow. We had to be able to live there comfortably. It took us a year, but we found just the right place in Hammond. It was a start! We moved the chickens and the family to St-Félix Road on the outskirts of the Larose forest. Our chickens and their mobile chicken coop came with us. We decided to step up all of our production.

 

“Our goal is to become the farmer to the locals.”

Derrick: What does Hidden Trails offer its customers?
Benoît: We offer local products straight from the farm. We invite families to visit and learn, but most of all to see first-hand how we treat and raise the animals. This is direct contact with the farm product you consume.

We give our customers free gardening tips and ideas about raising chickens. We are different in that we share the benefits of farming with the community. In addition to visiting the farm, you can purchase our products online. We deliver at competitive prices. We make it easy to get fresh and local seasonal products delivered right to your door.


Derrick: What type of farming do you do?
Benoît: We go beyond organic farming. Our products grow in their respective seasons. The system is similar to the one our forefathers followed. We don’t use aquaculture and we don’t use fertilizer. In the summer, the chickens and pigs eat what grows on the property. Our products are non-certified organic.

We chose this life and are so happy to be where we are. We invite you to join us as we grow and learn!